EXPOSITIONS
1986
Diplôme de l’école nationale supérieure des arts décoratifs de Paris
1991
Salon “Decouvertes”, Grand Palais, Paris, Galerie Claude-Bernard
1994
Exposition personnelle chez Françoise Sagan, Paris
1997
Exposition “Animal”, Musée d’Argentan
1999
Exposition “Animal”, Musée Bourdelle, Paris
2003-2010
Galerie Prodromus, Paris
2011
Galerie Born Darss avec Josquin Pouillon
2012
Galerie Born Berlin
2013
Art Karlsruhe, Art Fair Köln, Galerie Born Darss
2014
Art Karlsruhe
2019
Galerie Born Darss avec Klaus Hack
GRÉGOIRE HESPEL
Exposition du 20 novembre au 15 novembre 2025
Son nom à la pointe de l’épée
Quand et comment Grégoire Hespel a-t-il appris qu’il serait peintre ? Qu’il avait cette “vocation” ? Qu’il serait tout entier et à ce point ce peintre rien que peintre ? Pour moi comme, j’imagine, pour tous ses amis et aficionados, Grégoire n’est pas un peintre parmi d’autres, il est une incarnation de la peinture. Un peintre-né, donc, pour qui la question (de la peinture, de ladite “vocation”) ne s’est peut-être jamais posée. Il faudra le lui demander. “Bon qu’à ça” répondra-t-il peut-être, comme Beckett à la question “pourquoi écrivez-vous”.
Mais c’est aussitôt une autre question que j’ai envie de lui poser, qu’à vrai dire j’ai envie de lui poser depuis longtemps. Je profite de cette occasion qu’il me donne en me demandant d’écrire quelques lignes à l’occasion de sa nouvelle exposition. Dans ce travail si évidemment et résolument dédié à la figure, il me semble qu’on peut aussi bien repérer l’insistance d’un certain signe abstrait. Or cette insistance, qui fait énigme, constitue aussi bien la touche la plus évidente du travail d’Hespel, sa signature en quelque sorte. La signature du peintre, au sens matériel, représente d’ailleurs toujours l’inscription à même la toile d’un signe abstrait qui ne lui est pas homogène et qui pourtant lui appartient. Mais dans le cas du travail d’Hespel, tout se passe comme si l’on pouvait suivre les marques d’une certaine propagation du signe abstrait.
Il faudrait bien sûr décrire les formes précises et multiples de cette propagation, et pour cela se livrer à une analyse détaillée et exhaustive du travail. Mais je me contenterai de laisser opérer ma mémoire. Ce furet du signe abstrait, je le vois courir aussi bien dans les grandes toiles à “sujet” que dans les dessins, gouaches et gravures. Quelquesfois il traverse le tableau, qu’il divise ou perfore, quelquefois il va se loger, infime, dans un détail : le point lumineux d’un phare, la géométrie incongrue d’un élément urbain dans le paysage. Quelques fois c’est l’incorporation d’une enseigne, d’un signe typographique quelconque, toujours c’est un cadrage, une mise en place de la figure qui la fait tendre vers l’abstrait : là-même où le “sujet” paraît occuper tout le propos, où il semble qu’Hespel se contente de poursuivre cette sorte de discussion avec la peinture que par ailleurs il conduit sans cesse et si bien, la manière de positionner le sujet ou la figure les fait tendre au signe abstrait, jusqu’à ce point limite où c’est “tout le tableau” qui est signé. Que signifie ce signe abstrait, que je décris si mal, mais qui s’effectue si bien dans son travail ? Ce signe a-t-il une signification, ou rejoint-il ce “Zeichen ohne Bedeutung” dont parle Hölderlin ? Il n’est évidemment porteur d’aucun sens, et ne vient en aucune manière ajouter à la peinture ou au dessin sinon on ne sait quel supplément dont ils manqueraient. C’est même tout l’inverse : ce signe abstrait est en réalité des plus concrets. Il est tout entier signature. Il ne signifie rien mais affirme et contresigne : il est comme le point d’exclamation de la peinture, par lequel elle affirme farouchement, obstinément, mais aussi élégamment, et délicatement, les “droits” imprescriptibles de la peinture pure, l’inactualité absolue de son règne propre. Ce fil rouge (incarnat?) du signe abstrait est en réalité un “oui” inconditionnel à la peinture.
Il n’est qu’à voir de quelle façon Hespel aime à peindre d’après photo, au sens littéral du terme : comment la peinture à travers lui reprend ses droits à la photographie ou à l’image en général. Il n’y a donc peut-être pas tant de mystère à voir dans l’incarnation d’Hespel en peintre-né. Il jouit tout simplement d’un savoir substantiel concernant la peinture. Et sa peinture, il la signe de ce savoir. Par quoi il la rend elle-même incarnative, c’est-à-dire capable de faire revenir (le mot incarnatif est un vieux terme de médecine qui désigne précisément “la propriété de faire revenir les chairs dans les plaies”), et donc de revenir elle-même toujours et encore. Il n’y a pas entre le peintre et le musicien l’ombre de cette “sublime jalousie” dont parle Mallarmé à propos de l’écrivain et du musicien. J’aime imaginer Grégoire Hespel peindre en écoutant, comme je sais qu’il fait, de la musique. Et ce “signe abstrait” que j’ai voulu pointer, est comme le son en musique, ce par quoi elle se signe elle-même.