Grégoire Hespel
« Grégoire Hespel est un curieux marin, un marin de la rive. Il arpente la côte, la photographie au besoin, la dessine, la croque,
puis la restitue, la transforme, la magnifie par son art. La Bretagne de Keremma – étrange polder utopique conçu au XIXème
siècle par Louis Rousseau –, les montagnes d’Écosse ou les bois sombres de forêts imaginaires, voilà les sources d’inspiration du
peintre. Néanmoins, jamais il ne portraiture les lieux ; au plus l’initié reconnaîtra-t-il une chapelle isolée (celle dédiée à Saint-
Guvroc par exemple !), cet arbre, telle masure, une épave peut-être… mais l’exercice paraît vain, tout comme celui qui consisterait
à tenter d’identifier dans telle tache mauve, jaune ou bleue, la bruyère, le genêt ou le barbeau : à quoi bon ?
C’est dans l’atelier de Pantin que l’alchimie poétique s’opère. Cependant, par pudeur sans doute, Grégoire Hespel évoque plus
volontiers sa technique que son art. La palette de l’artiste s’étale en strates colorées à même le sol de béton brut, à côté de la toile
encore vierge, choisie méticuleusement : “C’est une enduction deux couches grasses, dit-il, numéro 141.” Au commencement, le
peintre réalise un dessin extrêmement minutieux puis travaillant souvent dans le frais, il multiplie les couches, projette ces
fameuses taches colorées ” relativement aléatoires ” qui adoucissent la tonalité de l’ensemble et lui donnent son étrangeté et sa
lumière ; enfin il vernit à l’aide de glacis teintés de cet oxyde jaune si caractéristique. Il obtient ainsi un “flou précis”, sa “manière
d’aborder le territoire ”. Mais d’émotion, l’artiste ne parle pas. »